La Fraisière Sylvie et Gilles Arsenault d’Acton Vale ne produit plus de fraises, mais on y récolte les fruits d’un rêve transformé en réalité à force de travail et de courage : des poulets de grande qualité.
Récolter les fruits de sa passion
Les parents de Gilles Arsenault lui suggéraient lors qu’il était encore tout jeune « Tu devrais travailler dans une ferme pour savoir si tu aimes vraiment ça. » Ceux-ci n’avaient pas grandi en milieu agricole, mais Gilles nourrissait le rêve de devenir agriculteur depuis l’âge de cinq ou six ans. Une fois adulte, il a suivi leur conseil sans hésiter… et il a adoré ça.
Gilles a ensuite décroché un emploi dans un grand abattoir. Son enthousiasme doublé de ses connaissances et de son expérience en gestion financière le qualifiaient pour occuper le poste de responsable des approvisionnements en volailles et des services agricoles, car cette entreprise gérait également 11 fermes d’élevage, une meunerie et un couvoir. C’est aussi là que Gilles a rencontré Sylvie Benoît, secrétaire-réceptionniste, qui deviendra sa compagne.
En route pour la réussite
Lors des nombreuses balades du jeune couple, Gilles en profitait pour surveiller les écriteaux « Fermes à vendre ». L’occasion s’est présentée en 1992. Tous deux rendaient visite à un collègue de travail dont l’épouse venait d’accoucher. « Tout près de là, il y avait une fraisière à vendre : le site était réellement très beau », se souvient Gilles Arsenault. Cela faisait déjà 12 ans qu’il travaillait pour son employeur. « J’avais 35 ans et je commençais à bien connaître le milieu rural : c’était le moment de faire le saut! »
Le jeune homme délaisse alors son emploi et se lance dans la production des fraises et des framboises. Son amoureuse Sylvie l’accompagne dans son aventure. Elle sera sa copropriétaire à parts égales. Sylvie avait alors quitté son poste de secrétaire-réceptionniste après la naissance du petit Samuel, en 1989. Une entente est même conclue avec l’ancien propriétaire : ce producteur de fraises aguerri deviendra employé chez eux quelques années pour les guider. « On a aussi appris auprès des spécialistes du MAPAQ, d’une grande patience », remercie Gilles Arsenault.
Les deux associés ont travaillé fort, jusqu’à faire partie des dix plus gros producteurs de fraises du Québec et à approvisionner les grandes chaînes d’alimentation. « En 2012, nous cultivions 16 hectares de fraises d’été, 5 ha de fraises d’automne et quelques hectares de bleuets, avec 50 employés, dont 24 venaient de l’étranger », poursuit Gilles.
L’envol d’une ferme avicole
Deux ans plus tard, en 1994, le couple ajoute le volet élevage de volailles à sa production de petits fruits. Ils font construire un premier poulailler, puis un autre, quatre ans plus tard, dans les deux cas avec achat de quotas. « Tout un défi ! », lance Gilles. Au même moment, en se fiant à son bagage de connaissances acquis dans l’abattoir, il devient consultant à son compte en production avicole. « Mais bien sûr, j’ai réalisé en tant qu’éleveur des choses que j’ignorais! »
Pendant ce temps, deux autres enfants sont nés : Roselyne et Thierry. « Nos enfants se sont vite engagés avec dynamisme dans les activités de la ferme », dit Gilles. La ferme a continué à cultiver des petits fruits jusqu’en 2014. Ses propriétaires ont agrandi l’un des poulaillers l’année suivante. La production est alors passée à 300 000 poulets à griller par année. Parallèlement, les nouvelles technologies ont été intégrées dans les deux bâtiments : balances à poulets, balances fixées aux pattes des silos, sondes à gaz carbonique et à pression statique, thermomètres intérieurs et extérieurs. À cela s’ajoute un système de contrôle à distance de la ventilation et de la température, à partir soit d’un téléphone intelligent, d’une tablette électronique ou de l’ordinateur.
Le personnel compte un ouvrier à temps partiel, Steve Gravel, très apprécié par ses patrons. Samuel, l’aîné des enfants, est employé à temps plein. Il a obtenu un diplôme à l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA), campus de Saint-Hyacinthe, en plus d’un DEC en informatique, complété par plus de deux ans d’études universitaires dans cette discipline. Sa sœur Roselyne est agronome pour Financement agricole Canada. Thierry, leur frère cadet, est bachelier en génie mécanique et ingénieur. Une entreprise de Granby, Groupe LCI Canada, l’a embauché dans son domaine.
« Nous ne mettons aucune pression sur nos enfants pour qu’ils prennent la relève de la ferme, insiste leur père. S’ils le désirent, ce sera sous la forme qu’ils choisiront. »
Dès le petit matin
Le métier de consultant, quatre à cinq jours par semaine, oblige Gilles à se lever à quatre heures du matin, ses clients étant situés sur la rive nord de Montréal. Mais il ne part pas sans avoir fait un tour dans le local d’entrée des deux poulaillers. Là, il examine les boîtiers de contrôle, scrute par la fenêtre vitrée, écoute. Le soir, l’aviculteur-consultant se fait un point d’honneur de revenir à temps pour le souper en famille. Il termine ses journées par une dernière inspection dans les deux poulaillers.
De son côté, Sylvie, depuis que Samuel a pris la relève, commence ses journées vers huit heures dans son bureau. Elle s’occupe des nombreuses tâches administratives, pendant une trentaine d’heures par semaine. « Mais au besoin, elle garde sa salopette accrochée tout près », souligne son conjoint.
De son côté, Samuel est à pied d’œuvre de 7 h 30 à 16 h 30 dans les bâtisses d’élevage. Il s’active aussi dans les champs de grandes cultures, pendant l’été, et au garage pour l’entretien de la machinerie pendant l’hiver. Ses talents en informatique sont mis à contribution, notamment pour les systèmes de contrôle.
Précisons que son frère Thierry met au point une plateforme motorisée qui sera télécommandée et traversera tout le poulailler sur un rail. Cette innovation permettra de transporter facilement les lourdes charges.
Des pronostics
« Le secteur agricole est en pleine mutation, on observe beaucoup de concentration, note Gilles. Toute l’industrie doit se rappeler qu’il est primordial de protéger tous les maillons de la chaîne, y compris les agriculteurs. Qui sait, la COVID-19 nous poussera peut-être à améliorer notre autonomie agroalimentaire. »
… Et des projets
« Il n’y a pas d’urgence, mais nous agrandirons le deuxième poulailler afin de produire 400 000 poulets par année, mentionne M. Arsenault. On continuera aussi à moderniser nos équipements et on considère l’installation d’un système de chauffage à granules de bois et d’échangeurs d’air. » « Je crois que notre ferme a un bel avenir si nous maintenons une progression modérée, car le désir de grossir trop vite peut devenir une maladie, estime Gilles Arsenault. On doit maintenir un équilibre, se garder du temps pour soi et sa famille. Cela prend de la discipline, car il y a toujours quelque chose à faire dans une ferme. » D’ailleurs, chaque samedi, tous les membres de la petite famille se rejoignent pour travailler à la ferme, avec beaucoup de plaisir. « Je n’envisage pas de prendre ma retraite prochainement… peut-être de ralentir, explique l’homme de 62 ans. Quand on aime ce qu’on fait et c’est mon cas… »