La Ferme Berlu, c’est d’abord l’histoire d’une complicité, celle de Bernard et Pierre Lussier… d’une fratrie unie par une vision commune et un même sens du travail. L’attention méticuleuse que ces deux frères portent à leurs volailles en témoigne, tout comme le regard que Pierre Lussier porte sur sa famille, la ferme et son évolution.
Complicité avant tout
Ferme Berlu… le nom, en lui-même, fait déjà sourire. Un signe peut-être, de la bonne entente qui règne sur cet élevage et des liens tissés au cours des générations. « Berlu, c’est pour la première syllabe du prénom de mon père, Bertrand, et la dernière syllabe du nom de famille de ma mère « Lambert » et lu pour Lussier. Le « Ber » s’applique aussi au prénom de mon frère, Bernard, plus vieux que moi de douze ans », explique Pierre Lussier. Si le nom date de peu, cette ferme familiale existe depuis 1904 dans une région d’abord reconnue pour ses exploitations laitières : Warwick.
« Bernard et moi sommes de la quatrième génération », mentionne Pierre Lussier qui est fier de son héritage et de l’évolution de l’entreprise. Cette ferme, qui à ses débuts servait uniquement aux besoins de la famille, connaît un premier essor lorsque les Lussier décident de concentrer leurs efforts sur les grandes cultures et la production laitière. « Mon frère Bernard avait déjà joint l’entreprise familiale depuis 15 ans lorsqu’en 1998 j’ai terminé mon DEC à Saint-Hyacinthe. Nous avions à l’époque environ 60 vaches laitières et venions de déci- der de mettre fin à l’élevage des animaux de remplacement », souligne Pierre Lussier. À peine trois ans plus tard, alors que les premières fermes robotisées sont le sujet de l’heure, la famille Lussier se tourne vers l’élevage de volailles pour faire grandir l’entreprise. Un virage qui lui permet de se démarquer!
Les volailles font leur entrée
« En 2001, nous voulions développer la production animale à la ferme. À l’époque, nous pouvions acheter des quotas de poulet directement d’autres producteurs. J’y ai vu une opportunité », explique Pierre Lussier qui ne cache pas que cette acquisition a apporté son lot de défis. « Ça représentait beaucoup d’argent et il a fallu changer d’institution financière parce que la nôtre ne croyait pas vraiment à notre projet. On réussit à conclure les démarches et les ententes. Arrive le 11 septembre 2001, le contexte économique est ébranlé. On a tout de même réussi à faire rentrer nos oiseaux dans notre premier poulailler le 30 novembre 2001. Un poulailler de deux étages construit sur l’emplacement de l’étable qui servait aux animaux de remplacement. La production allait bien, alors nous avons construit un deuxième poulailler en 2002, tout en poursuivant la production laitière. »
Ce n’est qu’en 2008 que les Lussier décident de vendre toutes leurs vaches. Ils en profitent pour acheter un peu plus de quota et pour construire une petite meunerie sur la ferme. « Comme nous produisions des grains, nous avons décidé de préparer notre propre moulée pour nos poulets ce qui nous permet une certaine autonomie et nous met à l’abri de la fluctuation des prix, en plus de garantir une stabilité autant pour l’élevage que pour les performances. »
Aujourd’hui, ce sont trois poulaillers que l’on retrouve à la Ferme Berlu. La construction du tout dernier, en 2019, a pris fin une journée avant la pandémie de COVID-19 précise Pierre. Le modèle sur un étage, et entièrement automatisé, peut accueillir 40 000 oiseaux.
Une entreprise familiale, une vraie de vraie
Les membres de la famille Lussier ont toujours su travailler ensemble, sans vraiment compter sur de l’aide extérieure, et c’est encore le cas aujourd’hui. Si Pierre Lussier s’occupe du secteur avicole et de la gestion, Bernard, hautement manuel, a pris le contrôle des champs et des cultures. Quant à Bertrand, le papa, bien qu’il ait vendu ses parts en 2002, il est toujours actif à 83 ans et effectue de petits travaux sur la ferme (sauf les fins de semaine) en plus de s’occuper de l’érablière, un passe-temps ou plutôt une tradition qu’il tient à maintenir. « Mon père nous a transmis ses valeurs. Nous sommes tous très travaillants, ce qui ne m’empêche pas de garder du temps pour mes deux filles, Mélanie et Jeanne, qui ont maintenant 12 et 8 ans. Comme plusieurs producteurs agricoles, je souhaite leur transmettre ma passion pour l’agriculture et leur transférer un jour la ferme familiale. Je les implique beaucoup dans les tâches quotidiennes, selon leur capacité et leur intérêt. Mais, elles sont vraiment bonnes », confie Pierre.
L’éleveur avait pressenti depuis longtemps que la main-d’œuvre deviendrait une contrainte importante dans le domaine agricole et avicole. Les installations automatisées facilitent sa tâche ainsi que celle de son frère et leur permettent de compter sur l’aide de seulement un ou deux employés à la période des récoltes. « Avec les nouvelles technologies, on peut maximiser notre temps, garder un œil sur les productions, même à distance, et consulter des données. » On le comprendra, tout est fait à l’interne chez les Lussier depuis la régie jusqu’aux tournées des poulaillers, en passant par l’entretien des véhicules et des outils et les récoltes. L’apprentissage y est rapide et constant. « À nos débuts en aviculture, il y avait très peu d’intervenants dans notre région. Sébastien Charest qui était mon agent d’approvisionnement Olymel à l’époque et qui est maintenant mon technicien de poussins ainsi que Guy Massé nous ont donné de très bons conseils. Ils sont encore très présents aujourd’hui. Pour le reste nous avons appris le métier par nous- mêmes. » Les visites des expositions agricoles et avicoles aussi bien à Atlanta aux États-Unis qu’à London en Ontario, les lectures spécialisées, les voyages au Chili, au sud de la frontière et en Europe pour comparer les installations et les techniques d’élevage ainsi que la formation continue sur les plus récentes avancées technologiques font maintenant partie de l’habituel pour les frères Lussier qui misent sur la formation, aussi bien que sur l’expérience. « J’aime bien effectuer des tests. Comme nous avons deux bâtiments identiques, je peux rapidement comparer l’effet d’un nouveau produit ou d’une nouvelle méthode. Si je vois une différence dans les résultats au bout de quelques semaines ou de quelques mois, je vais appliquer le nouveau produit ou la nouvelle méthode à l’ensemble des bâtiments. »
Parier sur la stabilité
Pierre Lussier aime que la Ferme Berlu soit à dimension humaine et que son frère et lui en demeurent les seuls responsables. Bien que les inconsistances dans les arrivages des importations en sol québécois le perturbent et que le manque de reconnaissance des consommateurs pour la qualité des volailles d’ici l’attriste, il mise à la fois sur la popularité fulgurante du poulet et sa connaissance de l’élevage pour maintenir la stabilité de l’entreprise. « L’avenir de notre ferme repose moins sur l’expansion et plus dans la maximisation de notre production et de nos terres. Perfectionner de petits aspects et chercher des performances, confie-t-il en avouant que l’agriculture n’est pas un métier, mais un mode de vie.
Avec la vigilance et le sérieux dont il fait preuve, le regard lucide qu’il porte sur la gestion de l’offre et l’arrivée des exportations étrangères ainsi que sur les tendances en consommation, gageons qu’il sera en mesure de gagner son pari d’une entreprise stable et prospère… avec la complicité de son frère et de sa famille, bien entendu.