Virginie et Frédérick Cloutier partagent une passion commune pour leur métier et pour la ferme qu’ils ont héritée de leur père François. En prime, le frère et la sœur ont un goût certain pour la réussite et l’énergie de la jeunesse!
Jeunes et résilients
La ferme Cloutier Agriculture située à La Présentation, c’était d’abord le projet de vie de François Cloutier. Elle est aujourd’hui devenue la priorité et la fierté de ses enfants, Virginie et Frédérick, qui ont choisi de la faire prospérer à leur tour. « Nos parents étaient dans la vingtaine, quand ils ont lancé ce projet en 1994. Ils sont vraiment partis de zéro », expliquent Virginie et Frédérick. Le temps, le travail et la persévérance ont permis à Isabelle Foisy et François Cloutier de faire grandir leur ferme où ils ont d’abord élevé des veaux de grains avant d’opter, un an plus tard, pour les poulets. L’étable qui était déjà sur place a été transformée en poulailler et, petit à petit, le cheptel a pris de l’expansion, les dindes se sont ajoutées et la ferme, entourée de champs de grandes cultures, est devenue une entreprise que François Cloutier a menée seul à compter de 2018.
Lorsque François Cloutier décède subitement en 2023, le choc est brutal. Tout se passe alors très vite pour Virginie et Frédérick, qui ont 24 et 21 ans à l’époque. Ils choisissent d’unir leurs forces et de prendre en main les rênes de l’entreprise familiale. « Ce n’était pas facile, la responsabilité était énorme, mais c’était clair pour nous : on voulait honorer son travail, sa passion, et tout ce qu’il avait bâti. Ce n’est pas juste un choix de carrière, c’est une continuité, soulignent-ils. Nous avons grandi sur cette ferme, avec notre père, qui nous a transmis sa passion pour l’élevage de poulets. Après son décès, reprendre la relève s’est imposé naturellement. C’était une façon de lui rendre hommage, mais aussi de préserver ce qu’il avait bâti avec tant de dévouement. »
Un travail d’équipe
Le frère et la sœur, soutenus par huit employés, fonctionnent aujourd’hui en complémentarité. Frédérick met de l’avant ses connaissances terrain acquises auprès de son père, mais aussi ses habilités, qu’il raffine, par une implication constante, en tant qu’aviculteur et gestionnaire.
Virginie, qui détient un baccalauréat en administration et occupait un poste en ressources humaines, veille à la gestion, tout en poursuivant ses études à la maîtrise. « On met tous les deux également la main à la pâte. On se divise les responsabilités, chacun avec ses forces, et ça nous permet d’avancer efficacement. » Grâce à une entente et une communication permanentes, ils peuvent tour à tour prendre des vacances. La gestion de la production, l’entretien des équipements, les suivis administratifs, les commandes et les communications avec les partenaires font maintenant partie de leur quotidien, tout comme la biosécurité, qui représente toujours un enjeu majeur pour les aviculteurs.
Tous les deux s’entendent pour dire que l’élevage de volailles est affaire de passion. « Ce n’est pas toujours facile et les responsabilités sont grandes, mais ce qu’on trouve le plus beau, c’est de voir le résultat concret de notre travail au quotidien. On élève des animaux avec soin, on veille à leur santé, leur bien-être, leur alimentation… et, au final, on offre aux gens un produit de qualité, nourrissant et local. Il y a aussi une certaine fierté à perpétuer un savoir-faire agricole, à travailler avec la nature et les cycles de la vie. Chaque journée est différente et ça, c’est très stimulant. »
L’empreinte de la jeunesse
Le discours de Virginie et Frédérick est sans prétention, posé et allumé pour des aviculteurs qui commencent dans le métier et à qui on souligne souvent leur jeunesse. À la fois conscients des beautés et des difficultés liées à l’élevage, ils sont prêts à s’informer, à se renouveler, à chercher à faire toujours mieux. « Nous sommes d’une nouvelle génération d’éleveurs passionnés et motivés à faire autrement. On se forme, on échange avec d’autres producteurs, on explore des innovations pour améliorer notre efficacité tout en respectant l’environnement. On arrive avec une énergie fraîche, des idées innovantes et une vraie volonté de bâtir une ferme durable. »
« Reprendre la ferme en tant que jeunes était un vrai défi. On a dû apprendre vite, faire nos preuves, prendre des décisions importantes. Mais, aujourd’hui, on peut dire qu’on l’a fait avec cœur, avec respect pour ce que notre père nous a transmis, et avec notre propre vision de l’avenir. » Dès les premiers temps, ils ont choisi de miser sur la technologie pour rendre leur travail plus efficace et améliorer le bien-être de leurs volailles. Un logiciel de gestion leur permet de suivre en temps réel les données concernant l’alimentation, la consommation d’eau, le poids et la santé de leurs volailles. Un nouveau système de ventilation automatisé ajuste la température, l’humidité et la circulation de l’air dans les bâtiments, un plus qui contribue à la croissance des oiseaux et à leur bienêtre. Et puis, il y a l’éclairage DEL installé pour réduire la consommation d’énergie. « Nous sommes en train d’explorer des options pour récupérer la chaleur ou pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. On croit vraiment que la technologie peut nous aider à améliorer notre élevage, tout en respectant notre planète. »
Avides de connaissances et de conseils, ils constatent toutefois le manque d’outils mis à la disposition des jeunes éleveurs qui, comme eux, doivent jongler avec une nouvelle réalité. « Il serait aussi important de rendre les outils de production plus accessibles pour les jeunes et les petites entreprises agricoles. Des programmes d’aide mieux adaptés, plus de soutien à l’innovation, et un allègement des démarches administratives permettraient à plus de producteurs de se lancer — et de rester. »
Bâtir en fonction du long terme
Comme plusieurs aviculteurs de leur génération, Virginie et Frédérick savent que les choix durables qu’ils font aujourd’hui auront un impact sur la ferme à laquelle ils aspirent pour demain. « Nous sommes très soucieux du bien-être animal et des pratiques durables. Nous participons à des programmes de certification qui garantissent des standards élevés en matière de salubrité, de biosécurité et d’environnement. C’est notre façon de contribuer à une agriculture et une aviculture responsable, qui respecte à la fois les animaux, la terre et les gens », soutiennent-ils.
Confrontés, comme l’ensemble des éleveurs, aux effets des changements climatiques, ils approchent le problème en pensant aussi aux solutions. « On ressent déjà les changements climatiques à notre ferme. Nous savons que les variations de température de plus en plus extrêmes, les périodes de chaleur accablante et d’humidité inhabituelle vont continuer à s’intensifier. Cela demande des ajustements constants dans nos bâtiments pour assurer le confort des poulets, et affecte notre consommation d’énergie. » Virginie comme Frédérick mentionnent les ajustements plus fréquents pour une ventilation adéquate et l’éclairage qui doit être adapté et qui peuvent faire grimper les coûts. « L’alimentation des volailles dépend aussi des cultures locales. Les conditions météo extrêmes ont un impact direct sur la chaîne d’approvisionnement », poursuivent-ils. Plutôt que se laisser gagner par la morosité, les Cloutier ont choisi de s’impliquer à fond. « Ça nous pousse à être plus proactifs. On investit dans des équipements plus efficaces, on réfléchit à des solutions pour mieux gérer notre énergie, et on essaie de réduire notre empreinte carbone autant que possible. Les défis climatiques, on ne peut pas les ignorer — alors on choisit de s’y adapter avec intelligence, en pensant à long terme. »
Réfléchir à l’avenir
Virginie et Frédérick semblent comprendre de manière quasi instinctive tous les aspects d’une approche durable depuis les choix essentiels et les décisions prises au quotidien en passant par le souci de la communauté qui les entoure et l’intérêt qu’il faut porter aux mécanismes en place. Ils adressent chacun des éléments avec la détermination qui les caractérise et leur regard neuf. Quand on leur demande quel est l’impact de leur ferme sur leur communauté, ils n’hésitent pas à répondre que leur élevage contribue à l’économie locale en créant des emplois directs et indirects, que ce soit à la ferme, dans le transport ou à l’abattoir et par l’embauche de gens de la région, ce qui permet de faire vivre plusieurs familles. Et si la question porte sur l’autonomie alimentaire et une production locale durable, ils ont également pris le temps d’y réfléchir. « Pour améliorer la production locale et vraiment soutenir les éleveurs d’ici, il faut d’abord encourager une consommation plus consciente.
Si les gens choisissent des produits locaux, c’est tout le système agricole québécois qui en bénéficie. Ça commence dans l’assiette, mais ça passe aussi par l’éducation. Il faut que les consommateurs comprennent la valeur réelle d’un produit élevé ici, avec soin et selon des normes rigoureuses. »
Virginie et Frédérick ont su saisir l’instant face à l’adversité, mais surtout tracer leur voie. Pas étonnant qu’ils pensent déjà ensemble au long terme ainsi qu’à l’avenir et multiplient les projets, comme celui d’une diversification économique via l’immobilier. « On aimerait que notre ferme soit un modèle pour d’autres jeunes qui veulent se lancer en agriculture. Montrer que c’est possible de prendre la relève, de moderniser sans perdre l’essence, et de vivre de sa passion tout en ayant un impact positif autour de soi », concluent Virginie et Frédérick.